L’imprégnation du chiot est une période essentielle à son développement comportemental. Souvent méconnue, elle est pourtant la garante du bien-être du canidé et de sa sociabilisation, dans sa vie future, auprès des humains et de nombreuses autres espèces animales. Quel rôle joue t-elle exactement, et quelle est l’importance d’une bonne imprégnation et sociabilisation chez le chiot

imprégnation et sociabilisation du chiot : des étapes importantes
L'importance d'une bonne imprégnation et sociabilisation du chiot. Image par JacLou DL de Pixabay

Imprégnation et sociabilisation, qu'est-ce que c'est

Le terme d’imprégnation est utilisé pour faire référence à un animal en apprentissage de sa naissance jusqu’à son sevrage. Durant cette période, le chiot prend conscience de son espèce, et la somme de tous ses apprentissages constituera le socle de son matelas d’expérience. Comme nous l’avons déjà vu, l’apprentissage fonctionne par association chez les mammifères

Ces apprentissages varient en fonction de l’âge du chiot, de la gestation à sa 8ème semaine de vie, puis durant sa période juvénile, et dans sa période de puberté. Nous allons voir que le rôle de la mère, puis celui de l’éleveur, et enfin celui de l’adoptant, sont cruciaux dans le développement comportemental du chiot.

Mais tout d’abord, voyons quelques définitions : 

Socialisation

D’après le Larousse, la socialisation est le « processus par lequel l’enfant intériorise les divers éléments de la culture environnante (valeurs, normes, codes symboliques et règles de conduite) et s’intègre dans la vie sociale ».  

Faisons le distinguo avec la sociabilisation : 

Sociabilisation

D’après le dictionnaire Reverso, la sociabilisation est le « fait de rendre sociable, d’insérer ou de réinsérer dans la société ». D’après le Larousse, sociabiliser est le fait de « rendre sociable, ou plus sociable ». 

Le terme « sociabilisation » est donc plus juste, puisque ce que nous souhaitons, c’est permettre à nos chiens de vivre sereinement dans notre société, avec des comportements agréables, et donc de les rendre sociaux. Nous utiliserons donc le terme sociabilisation dans cet article, ainsi que sur ce site de manière générale. 

Imprégnation

D’après le Larousse, l’imprégnation est « l’acquisition de stimulus-signaux spécifiques au cours du processus d’empreinte ». 

Le phénomène d’empreinte a été nommé ainsi par le médecin, philosophe et prix Nobel Konrad Lorens, pour définir le processus d’apprentissage. Il fut le second à étudier le concept d’imprégnation animale, avec des oies cendrées dont il était passionné, après le biologiste Douglas Alexander Spalding en 1873 qui lui étudia les oiseaux. 

L’imprégnation est instinctif, et sa durée peut varier selon les espèces. Par exemple, pour les espèces dépendantes de leurs mères à la naissance (les espèces nidicoles comme les humains, chiens, chats…) cette phase sera plus longue que chez les espèces nidifuges, c’est-à-dire pour les animaux sachant marcher dès la naissance (chevaux, vaches, moutons…). 

les phases d'imprégnation du chiot
Le chiot découvre ses congénères puis les autres espèces animales au cours des 2 phases clés de son imprgnation. Image par voodoo96 de Pixabay

La période d'imprégnation du chiot

Les 4 premiers mois de la vie du chiot sont parmi les plus importants dans la construction de son comportement futur. On parle d’imprégnation, ou de phase de double empreinte, de la naissance à la 16ème semaine de vie de l’animal. Durant ce laps de temps, 2 phases se chevauchent, avec chacune leurs découvertes : 

  1. La phase intraspécifique : qui permet au chiot d’apprendre à reconnaître les autres chiens.
  2. La phase interspécifique : qui lui permet de reconnaître les espèces « amies ».

L’imprégnation est donc une période charnière pour la vie du chiot, car elle lui permet d’acquérir toutes les bases de sa sociabilisation : outils de communication, codes canins, comportements appropriés, etc… 

1. La phase intraspécifique :

De sa naissance à sa 5ème voire 7ème semaine de vie, le chiot apprend à connaître et reconnaître sa propre espèce, ainsi que ses codes de communication et de comportement. Il apprend également le réflexe de préhension, ou inhibition de la morsure, qui est le fait de relâcher sa prise (en général son frère ou sa sœur) si celle-ci couine ou se couche sur le dos). 

Nous avons vu dans l’article Gérer les séquences de jeux entre chiens, que les jeux entre chiots constituent aussi des apprentissages, comme des prémices de « bagarre », durant lesquels les jeunes canidés apprennent certains comportements, comme celui de relâcher la morsure, de se mettre sur le dos, de pleurer, etc… 

Durant l’imprégnation, la phase interspécifique est donc très importante car : 

  • elle permet au chiot de reconnaître les autres chiens comme une même espèce, celle à laquelle il appartient.  
  • elle permet au chiot d’apprendre les codes de communication canine

Il est donc important de ne pas séparer le chiot de sa mère durant cette période, pour des raisons sociales et d’apprentissage.

2. La phase interspécifique :

A partir du moment où les 5 sens du chien entrent en éveil (il naît sourd et aveugle), soit vers la 3ème ou 4ème semaine de sa vie, le chiot entre dans la phase d’imprégnation interspécifique. Il y restera jusqu’à sa 12ème voire 16ème semaine de vie selon les races. 

Durant cette période, le chiot découvre l’existence d’autres espèces,  mais aussi des sons, des objets, des odeurs, des surfaces, et commence à partir à la découverte de son environnement. Le chiot apprend ainsi à devenir progressivement autonome, il communique grâce aux codes canins avec sa mère et sa fratrie, son groupe social.

Plus le chiot sera stimulé par de nouvelles découvertes (sons, lumières, odeurs, textures, autres congénères de races différentes, autres races d’animaux, etc…) plus son intelligence se développe (les connexions neuronales se forgent avec les sollicitations intellectuelles et les stimuli). Cela lui permettra plus tard d’avoir une grande faculté d’adaptation et d’intégration à l’inconnu, la nouveauté, et faire encore de nouveaux apprentissages. 

La période de l’année où le chiot naît peut également avoir une incidence sur son développement : né en hiver, confiné en intérieur, il sera moins stimulé qu’un chiot né au printemps ou en été, ou l’environnement est plus riche et plus propice à la découverte et à l’exploration.

Il est donc important non seulement de bien choisir l’élevage ou le lieu d’adoption, mais aussi de mettre le chiot en présence d’autres espèces animales, hommes, femmes, bébés, enfants, autres races de chiens, chats, chevaux, vaches, poules, etc… afin qu’il les considère comme des espèces « amies » et éviter qu’il en ait peur ou ne les prenne pour proies

Le présenter à des congénères de races, de couleurs et de tailles différentes est très important. En effet, un chien noir pourrait ne reconnaître comme appartenant à son espèce que les chiens noirs, s’il n’en a jamais vu durant cette période. Ainsi, un chien blanc serait pour lui associé à une autre espèce animale. De la même façon, les chiens de races brachycéphales (Carlins, Bouledogues, Boxers…), au museau « écrasé » et aux grands yeux, n’ont pas tout à fait les mêmes codes de communication : ils respirent fort, voir ronflent, et leur gestuelle est différente. La sociabilisation du chiot sera donc d’autant plus efficace que la variété de races de chiens et d’espèces animales rencontrées est grande. 

Nous pouvons facilement comprendre que l’éleveur joue un rôle clé dans cette phase intraspécifique. En effet, jusqu’à ses 8 semaines de vie, le chiot est chez lui, avec sa mère et ses frères et sœurs. C’est donc à lui qu’incombe le devoir de réaliser un bon début de sociabilisation à ses chiots, avant de passer le relais aux adoptants pour les 8 semaines suivantes

Un chien bien imprégné est un chien stable et bien dans ses pattes, capable de s’adapter à tout mode de vie, et de cohabiter aisément avec toute une variété d’espèces animales

risques inhérents à une mauvaise imprégnation
Le défaut de sociabilisation peut engendrer des problèmes de comportement. Image par Markéta Jaklová de Pixabay

Risques d'une mauvaise sociabilisation chez le chiot

Un chiot isolé, non stimulé, séparé de sa mère et de sa fratrie, qui ne voit rien durant ses premières semaines de sa vie, ne sera pas du tout sociabilisé et donc pas prêt pour sa vie future. Les problèmes engendrés par un défaut ou une absence d’imprégnation sont nombreux, et peuvent expliquer certains troubles du comportement : 

  •  Mauvaise sociabilisation envers les humains : ce peut être le cas par exemple des chiens de troupeau type Montagne des Pyrénées comme nous l’avions vu dans l’article concernant la prédation
  • Mauvaise sociabilisation envers les congénères : un chiot rejeté par sa mère entre sa 3ème et sa 12ème semaine de vie, et élevé par les humains par exemple, sans contact avec d’autres chiens, s’identifiera à l’humain et non au canidé.  Cela peut lui poser de gros problèmes de communication, les codes canins étant très spécifiques. 
  • Hypo-stimulation du chiot : la privation sensorielle (environnement trop pauvre en stimuli) et le manque de stimulations peuvent induire une angoisse chez le chien une fois placé dans son environnement d’adoption, qui lui sera riche en bruits, sons, odeurs, nouveautés… Il est important que les capacités motrices, et les 5 sens du chiot, soient stimulés pour qu’elles se développent correctement, car un chien en état de stress peut parfois faire preuve d’agressivité
  • Hypo-attachement du chiot : sans interactions sociales (que cela soit envers les chiens comme envers les humains) entre leur 8ème et 12ème semaines de vie, les chiots peuvent ne présenter ensuite que peu d’attachement envers leur gardien, ou les autres animaux. Cela amène l’animal à être réservé, ou trop indépendant. Ceci peut alors poser des problèmes d’éducation : rappel, attention, envie de faire plaisir à son gardien… Car si le chien n’y est pas attaché, il n’a aucun intérêt à obéir à son humain. L’imprégnation du chiot est donc la base d’une bonne éducation future. 
  • Syndrome Hs-Ha (ou syndrome d’hypersensibilité-hyperactivité) : dans le cas d’une mère trop immature, craintive, stressée ou qui délaisse ses petits, ou si le chien en est séparé trop tôt, il peut développer un syndrome Hs-Ha. Similaire à l’hyperactivité chez l’enfant, le chiot n’a que peu ou pas d’auto-contrôles (relâchement de la morsure, savoir se canaliser…), et réagira au moindre bruit de manières très expansive. Ces chiens sont souvent obsessionnels (« drogués » au bâton, à la balle, capables de jouer des heures sans se fatiguer), destructeurs, voleurs, malpropres, ils peuvent aboyer sans cesse (pour « décharger » leur trop plein d’excitabilité) ou présenter de l’anxiété de séparation. Seule une médication prescrite par le vétérinaire et associée à un programme auprès d’un comportementaliste canin pourraient aider le chien et son gardien.   
importance sociabilisation chiot
Une bonne sociabilisation du chiot est essentielle. Image par Bernd Focken de Pixabay

L'importance de la sociabilisation du chiot

Comme nous l’avions vu dans l’article Mon chiot ne doit pas sortir sans vaccination, idée reçue, l’imprégnation et la sociabilisation du chiot sont garantes de sa stabilité comportementale à l’âge adulte. Une absence de sociabilisation ou un défaut d’imprégnation peuvent impacter de manière radicale la vie future du chien et son comportement social. Les troubles du comportement inhérents à une mauvaise imprégnation ou sociabilisation vu plus haut seront sujets à rééducation comportementale et sociale du chien.

Durant les 12 à 16 premières semaines de sa vie, le chiot fait donc des expériences et des apprentissages qui auront une incidence sur sa vie de chien adulte. Bien souvent, les adoptants ne se rendent pas compte de l’importance cruciale de cette période, et « laisse le chiot tranquille » à son arrivée dans son nouveau foyer, alors qu’il est essentiel de poursuivre la sociabilisation mise en place par l’éleveur

Bien sûr, il est évident que le choix de l’éleveur est tout aussi important avant l’adoption, car comme nous venons de le voir, son rôle est primordial dans le bon développement comportemental du chiot.

Dans un prochain article, nous parlerons du développement comportemental du chiot et de sa sociabilisation jusqu’à ses 4 semaines de vie

A quel âge avez-vous adopté votre chien ? Comment s’est passé son imprégnation ? Racontez-nous en commentaires. 😉 

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Passionnée par les voyages accompagnée de ses chiens, Maorie est aussi coach en comportement animalier, spécialisée dans les troubles et thérapies comportementales en méthode positive. Fondatrice de dclickbnb.com, elle y propose des articles et conseils sur la santé, l’alimentation, l’éducation positive, les soins au naturel, le clicker training, les sports canins et bien sûr les voyages avec un chien. Dans un souhait de transmettre sa passion pour les chiens et ses connaissances sur le terrain, elle anime également un groupe Facebook dont la belle communauté partage également ses voyages et son amour des chiens au quotidien.

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